Je devais écrire un article sur le couple pour la Saint Valentin, mais nous sommes en avril… Comment expliquer ce décalage ?
Procrastination ? Autres priorités ? Manque d’inspiration quant aux problématiques liées au couple… Les raisons ne manquent pas sans doute et c’est à ce sujet que je souhaite écrire aujourd’hui…
Souvent les patients viennent avec un problème qui me semble une forme de lutte contre eux-mêmes.
Joséphine consulte car, m’explique-t-elle, elle ne peut résister à se donner à fond dans son nouveau job. Elle a rejoint, il y a 6 mois, une petite PME après un gros burnout qu’elle liait au contexte de la multinationale où elle travaillait depuis 7 ans. Mais elle réalise qu’elle se retrouve piégée par son envie de bien faire même si la peur de se retrouver épuisée la tenaille en parallèle…
Fabien, 16 ans, souffre de mal-être avec la situation de confinement. Il sent qu’il plonge car il ne parvient pas à maintenir ses saines habitudes sportives, il a tendance à « glander » et à se refermer sur lui-même et le pire est qu’il aime ses moments de repli tristes et nostalgiques… Il se demande s’il a un problème, s’il doit se faire soigner… Comment peut-on aimer être triste ? Suis-je en dépression ?
Quel rapport me direz-vous avec mon article sur les couples ? Simplement, cette lutte entre des parties de nous-mêmes, ces parties qui nous veulent le plus souvent du bien…
Joséphine se voit assaillie par deux parties qui semblent contradictoires : l’une qu’elle appellera la petite ambitieuse et à qui elle donne 8 ans et l’autre, le vieux sage à qui elle en donne 90.
Dès que je les observe, je peux les dessiner sur mon Mapping, la petite fille est représentée par une pensée qui lui rappelle que dans la vie pour être reconnue, il faut être performant et le vieux sage, une peur qui freine Joséphine pour se respecter davantage que par le passé.
Selon la manière dont elle en parle, la petite aurait pu être la peur de mal faire et le vieux, la pensée que le travail n’est plus une priorité ou ne vaut pas un burnout…
Mon questionnement de Joséphine me conduit à les positionner ainsi, mais nos parties peuvent se situer toutes deux au niveau émotionnel ou au niveau des pensées. Ce n’est pas une règle, restons non normatif !
Dès lors je l’aide à prendre conscience de ces deux parties, je la questionne un peu, on les installe dans le cabinet de consultation et nous tentons de mieux les connaitre et surtout de comprendre quelles tentatives de régulation sont mises en place par Joséphine.
Nous observons une lutte de Joséphine avec l’une et l’autre, lutte qui reflète pour chacune le discours de l’autre. Joséphine est écartelée entre deux tensions qui lui semblent complètement en désaccord… et elle souffre
Mon premier mouvement sera de mettre en évidence que les deux parties lui veulent du bien. Le vieux sage veut évidemment la protéger et la petite fille qui l’a amenée à réussir professionnellement dans le passé la conduit à relever les défis avec succès !
Ce mouvement va déjà freiner la lutte et doucement réconcilier Joséphine avec ses parties : lui montrer comment elles l’ont déjà aidée, éclairée, prévenue, motivée tout au long de sa vie, comment elles sont à l’origine de réussites, de bons moments et comment elle lutte contre l’une ou l’autre ou comment quand l’une n’est pas écoutée, elle crie plus fort ou hurle jusqu’à la mettre en burnout ou à la pousser à travailler toute la nuit.
Je vais illustrer comment nous sommes tous fait de parties qui créent des tensions tant qu’elles n’ont pas été connues et reconnues. Je parle de moi, de cet article qu’une partie de moi souhaitait écrire alors qu’une autre préfère profiter de loisirs durant mes weekends par exemple… La première, celle de l’article, tend parfois via la culpabilisation de prendre le pouvoir alors que l’autre est mobilisée par un plaisir plus immédiat et les deux me veulent du bien et sont des alliées potentielles.
Progressivement, je freine donc la lutte et je vais doucement plus loin, tout en échangeant avec les parties, en écoutant chacune et en amenant Joséphine à sentir leur bienveillance et l’importance de les écouter chacun, de mettre du lien entre elles.
En douceur, je lui fais sentir combien la lutte les fait redoubler de force, de virulence ; je rends cette lutte aversive et je vais vers une tâche qui leur donnera à chacune sa juste place, qui mettra des ET où il y avait des « soit…, soit… ».
L’idée sera de les amener au compromis, à un équilibre juste pour Joséphine… On peut travailler en hypnose ou via des tâches d’écoute et d’échange entre les parties en jeux afin de leur permettre de trouver l’équilibre qui les satisfait suffisamment pour apaiser Joséphine.
Pour certains, c’est l’émotion contre la raison, pour d’autre la gourmandise contre la vie saine, pour certains, l’envie de méditer, de grandir par l’âme contre celle de faire la fête, pour d’autres encore, c’est un déchirement entre m’occuper de mon couple, de ma famille ou de moi-même… Ces déchirements, ces tensions n’existent que par les tentatives de régulation de lutte contre nos différentes parties, alors travaillons à leur faire retrouver une juste place à chacune, regardons nos tentatives de régulation et les leurs pour évoluer vers plus de sérénité et d’apaisement.
Fabien est en lutte entre le besoin de repli pour digérer la tristesse tellement justifiée par la situation actuelle pour les jeunes et le « Fabien sain » qui faisait du sport, qui était « motivé », dit-il…
En acceptant les deux, le triste et le sain, il se découvre avec de nouvelles ressources, il leur donne à chacun sa place. Il repart avec une tâche d’alternance : les jours pairs, c’est l’un qui décide et les jours impairs, l’autre et une heure par jour est de toute manière dédiée à celui qui n’a pas la journée.
Pour être plus claire, « nous sommes le 4 du mois, très bien, c’est un jour tristesse, tu te laisseras aller et tu plongeras le plus possible dans ta nostalgie et cette tristesse nécessaire qui doit sortir et te fait même du bien et à 18h, tu prendras un moment de sport ou de lecture plus constructif et demain, le 5, ce sera le contraire… »
Fabien revient apaisé. Chaque partie a trouvé sa place. Il va dès lors poursuivre en fonction des besoins de chacune, en veillant à laisser toujours de la place pour l’autre…
On constate dans cette situation que le thérapeute peut utiliser l’une ou l’autre des parties pour amener des tâches classiques comme, ici, l’affrontement de la tristesse. Elles sont donc aussi nos alliées !
Nous sommes donc bien plusieurs à l’intérieur et nous nous sentons bien quand nos parties se sentent entendues et sont donc apaisées. Il est possible que certaines parties qui interviennent ne soient pas réellement à nous et là, il nous faudra accompagner notre patient ou coaché pour les repérer et les remettre à leur juste place, à l’extérieur.
Telle partie, « c’est ma mère qui disait toujours ça… » me disait une patiente. « Et vous, vous en pensez quoi ? »
On a le choix de prendre ou non le discours de l’autre.
A nouveau, je le travaille en hypnose en rendant à l’autre ce qui lui appartient ou en thérapie brève classique en cherchant les tentatives de régulation qui maintiennent le combat intérieur.
Si on va plus loin, les parties peuvent aussi représenter les blessures d’un trauma et sont donc prises en charge d’une manière plus spécifique dans ce cadre-là.
L’idée est de permettre à chacun de trouver une unité et de remettre du lien là où la division règne. Les petites voix, les tiraillements, l’impression d’avoir un saboteur à l’intérieur, autant de problématiques qui appellent à penser aux parties et à chercher comment nos tentatives de solution les maintiennent en discorde ! Car avec la sensation d’unité revient celle d’apaisement et de paix à l’intérieur…