Open Dialogue, une thérapie Batesonienne de la schizophrénie par le Dr Edward Storms

Pardon à Gregory Bateson pour ce titre l’associant à une thérapie, lui qui considérait que les connaissances étaient insuffisantes pour fonder une thérapie à l’époque du Mental Research Institute. Mais bon, une pensée n’appartient pas à l’individu qui l’a générée. Elle vit sa propre vie et c’est peut-être une bonne chose comme on va le voir.  

La psychose est le trouble emblématique de la psychiatrie, le trouble qui représente probablement le plus la folie telle qu’on l’entend dans le sens commun. La survenue de croyances bizarres découlant d’interprétations étranges du monde, de comportements socialement inadaptés voire socialement scandaleux, et d’une résistance de l’individu à toute explication rationnelle. On l’appelle trouble car pour être élevé au rang de maladie le processus physiopathologique à l’origine des symptômes doit être connu, ce qui n’est jamais le cas en psychiatrie. Ce trouble met en échec depuis 300 ans les approches médicales mais aussi les psychothérapies. Toutes ?  Non, un groupe d’irréductibles ont décidé de résister aux approches médicales et psychothérapeutiques traditionnelles et de développer un modèle d’intervention original. 

L’histoire est surprenante et inhabituelle. Une poignée de thérapeutes s’inspire entre autres des travaux de Bateson et de l’école systémique de Milan et met au point une technique appelée « Open Dialogue » dans un coin de Laponie. 

accueilQuelle est cette technique ? Les thérapeutes (ou faudrait-il plutôt les appeler intervenants ?) se cantonnent à une position de non savoir.  En cas d’appel à l’aide, ils se rendent le jour-même ainsi que les jours suivants au domicile de la famille d’une personne présentant des symptômes psychotiques. S’en suivent parfois plusieurs heures de discussion avec le patient et la famille, voire son entourage plus large ou tout intervenant concerné. Pas de position d’autorité, pas d’explications, plutôt un questionnement, la recherche d’un certain sens à la crise. On part en effet du prérequis que les comportements bizarres entrent dans une logique qu’il s’agit de comprendre. 

Cette approche suit cependant certains principes, on ne se lance pas dans une discussion anarchique : il convient d’aider à s’exprimer aussi ceux qui n’y parviennent pas, paraissent confus ou difficilement compréhensibles. C’est le principe de la « conversation polyphonique » où l’expression de chaque voix est attendue. 

Laisser s’exprimer les personnes et leur offrir un espace d’écoute bienveillante est commun à presque toutes les psychothérapies. Mais il s’agit de répondre aux personnes en souffrance: les praticiens de l’Open Dialogue sont sensibles au jeu interactionnel qu’ils génèrent en tenant compte des  réponses et feedbacks à leurs interventions. Ils dialoguent également entre eux, de manière ouverte, devant les personnes qui les reçoivent. Ces praticiens peuvent également amener eux-mêmes des sujets de conversation sur certains points qui leur paraissent utiles d’éclaircirIls se gardent néanmoins d’en faire l’essentiel de l’intervention. Quelques principes généraux règlent le questionnement et les postures des intervenants, de manière à garantir leur ouverture, leur souplesse et leur position basse. 

Quel rapport avec la thérapie brève ? Un attitude de non vouloir thérapeutique, un renoncement à pathologiser. Un travail avec le système pertinent (les gens impliqués), quel qu’il soit. Un travail relationnel, de recherche respectueuse et donc non jugeante de la vision du monde et des conceptions des individus. 

Quelles différences ? pas de cadre de sessions tous les 15 jours, pas de limites à la durée des sessions, et surtout en fait pas de stratégie. Pas de structuration de l’intervention mais une volonté de laisser libre cours à l’évolution des interactions. Et ce qui me paraît primordial : une intervention dans le temps de la crise avec des moyens humains importants. 

Cela répond à des frustrations qui sont propres à ma pratique : intervention souvent trop tardive, de manière trop courte chez des patients qui ont déjà été hospitalisés, déjà sous médication, déjà chronifiés. 

Les résultats sont impressionnants. Aucune autre technique, aucun traitement médicamenteux ou hospitalier ne parvient à pareils effets. La proportion de patients retrouvant une vie normale avec un travail et des relations est éloquente : environ 80% des patients analysés 5 ans après un premier épisode psychotique sont au travail ou aux études, asymptomatiques et sans traitement médicamenteux. 

Néanmoins les études portent sur un faible nombre de patients et peuvent être jugées de qualité inférieure à celles qui portent sur l’efficacité des médicaments. Les financements pour de telles études sont malheureusement plus difficiles à obtenir, les gains pour la société (et non une firme particulière) n’étant obtenus qu’à long terme. 

Il y a aussi une modestie et une souplesse dans cette approche qui me touchent : en général on ne donne pas de médicaments, mais cela arrive. On tente dans ce cas d’éviter les neuroleptiques, mais parfois on en donne (très peu en pratique). On évite les hospitalisations, mais parfois (rarement) on y a recours. Pas d’extrémisme donc. Des gens humbles mais efficaces, qui proposent ce qu’ils font sans tenter de donner des leçons au monde. 

Gregory Bateson aurait-il finalement approuvé cette méthode qui découle de ses travaux de recherche? Il avait à l’époque claqué la porte du MRI de Palo Alto, estimant qu’il était trop tôt pour transformer des hypothèses de recherche en une thérapie. Le groupe avait également postulé le fameux principe de la double contrainte comme creuset potentiel dans lequel naissent des symptômes psychotiques. Ceci toutefois comme hypothèse afin de mettre en lumière les conséquences de certaines interactions et non pour imposer une explication rigide et réductrice  à un problème complexe. 

On ne peut que souhaiter que l’Open Dialogue soit mis en place hors des frontières de Laponie (il y a déjà quelques initiatives au Royaume Uni et aux USA) et que des recherches plus ambitieuses puissent venir confirmer une efficacité prometteuse. Ainsi peut-être les scrupules de notre grand penseur pourront-ils être apaisés. 

 

Bibliographie et liens web : 

Whitaker Robert: Anatomy of an Epidemic ; Broadway 2010

https://www.youtube.com/watch?v=HDVhZHJagfQ

https://www.forumpsy.net/t1783-open-dialogue-les-12-criteres-de-fidelite-a-la-pratique-dialogique-mary-olson-jaakko-seikkula-2014

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