La prescription paradoxale consiste à prescrire un comportement que la personne tente généralement de contrôler pour ne pas qu’il se produise.
Dans l’approche de Palo Alto[1], la prescription de tâches thérapeutiques est au cœur de la pratique. Le changement passe par une expérience émotionnelle correctrice que la tâche permet de faire vivre au patient. Ce passage par l’action accélère le changement et a séduit le domaine du coaching professionnel. Cette approche est donc parfaitement adaptée au coaching de vie.
Parmi les tâches, les prescriptions paradoxales sont courantes. Leur logique s’appuie sur l’échec de la personne à contrôler certains comportements comme le sommeil, des compulsions alimentaires ou dans d’autres domaines, contrôler ses émotions ou ses pensées ou encore contrôler d’autres phénomènes physiologiques (rougissement, bégaiement…). La prescription paradoxale peut également être utilisée lors de tentatives inefficaces de contrôler le comportement d’autrui.
Dans ces situations, le coach peut demander à son coaché de créer volontairement ce qui n’est pas voulu. L’intérêt de cette prescription sera de faire avancer le coaching dans tous les cas car soit le coaché n’y parvient pas et le comportement dès lors n’est plus présent, soit le coaché y parvient et il est intéressant de voir avec lui comment il a repris du contrôle sur quelque chose qui lui échappait précédemment.
Elise, étudiante, vient me voir car elle ne parvient pas à suivre ses cours dans les auditoires. Elle fait, m’explique-t-elle, des crises d’angoisse quand elle se retrouve ainsi enfermée dans un lieu clos. Elle ne va donc pas aux cours, mais commence à être inquiète pour la période des examens qui s’approche à grand pas. Je lui demande ce qu’elle fait quand elle doit aller quelque part où elle est enfermée et elle me répond : « j’évite au maximum et si c’est vraiment obligé, je me mets près de la porte pour pouvoir sortir si je sens la crise qui vient ! » Et si la crise vient, tu réagis comment à cette crise ? « Je tente de contrôler ma respiration pour ralentir l’accélération de mon cœur, j’essaie de penser à autre chose, je fais tout ce que je peux pour qu’elle s’arrête, évidemment ! ».
Comme beaucoup, elle tente donc de contrôler l’incontrôlable : des symptômes physiques sur lequel notre mental n’a pas de prise le plus souvent.
Pour Elise, la voyant tenter de contrôler sa crise en évitant les lieux ou elle se déclenche et en faisant tout son possible pour la calmer, je vais donc lui faire une prescription paradoxale en lui demandant de se rendre dans ses lieux et de la déclencher. Je lui dis : « Afin que je puisse t’aider à vaincre cette ennemie et à gérer autrement tes crises d’angoisse, peux-tu tenter de me donner davantage d’information sur leur déroulement ? J’aimerais, du coup, que tu ailles suivre certains cours et que tu déclenches des crises d’angoisse, ce qui devrait se faire naturellement d’ailleurs. Tu tiendras au moins vingt minutes et tu noteras toutes les informations possibles pour m’aider à t’aider… »
Une semaine plus tard, elle m’écrit un sms : « Madame, je n’arrive plus à en avoir ! Pourtant, j’ai essayé, je suis même restée à deux heures de cours au milieu de l’auditoire sans que rien ne vienne ! Je suis désolée mais je n’aurai pas d’info pour la séance ! »
Le modèle de Palo Alto repose sur cette logique en deux temps :
- repérer la manière dont les personnes tente de réguler, de solutionner leur problème et qui ne fonctionne pas, sinon ils ne seraient pas en coaching
- leur proposer un virage à 180° : faire l’inverse
Cette logique rejoint la logique paradoxale de cette phrase de Paul Watzlawick : « Le problème, c’est la solution », car effectivement, en coaching stratégique, l’intervention repose sur la croyance que la solution mise en place entretient et nourrit le problème. Le coach a donc comme mission de mettre tout en place pour que son client arrête de nourrir le problème.
Quand nourrir le problème consiste à essayer qu’il s’arrête, le coach va donc le prescrire.
Si ces prescriptions paradoxales paraissent ainsi simples à mettre en œuvre, elles ne peuvent pas être utilisées sans une formation spécifique, sans justement s’appuyer sur un décodage systémique précis, tel le Mapping ci-dessus, afin de ne pas mettre des personnes en danger ou dans une situation où elles se sentent incomprises par leur coach. Un travail relationnel est aussi capital car il ne s’agit pas juste de proposer au coaché de faire le contraire, ce que beaucoup ne feront pas si ce n’est pas construit avec une certaine logique de leur point de vue.
[1] Appelée à l’origine thérapie brève et que nous appelons plus volontiers thérapie stratégique