Si l’on simplifie les processus en jeu, on sait aujourd’hui que le corps en état de conscience modifié est le lieu sacré de l’inscription traumatique des événements. Le corps crée en effet automatiquement un état hypnotique spontané permettant l’arrivée de la maitresse traumatique, nommée dissociation. Celle-ci se manifeste de différentes manières lors du trauma lui-même (pour protéger l’individu du danger), mais également dans la suite de la vie de nos patients, étant à la base de beaucoup de symptômes post-traumatiques. Le figement sensori-émotionnel et moteur issu des scènes traumatiques perdure ensuite, jour après jour, sous différentes formes, dans la vie de l’individu traumatisé.
La TBT – ou Thérapie Brève du Trauma – peut tout à fait être considérée comme la 235674èmethérapie à la mode qui s’adresse au psychotrauma. Elle a en effet plusieurs points en commun avec ses cousines par ailleurs souvent mieux connues. En fait, nous laissons chacun l’appeler comme il le sent et le voit. Ce qui nous intéresse, c’est ce qui va convenir au patient particulier qui est devant nous, c’est d’observer finement nos pratiques cliniques et celles de nos collègues ainsi que les dernières trouvailles scientifiquement validées en la matière pour mettre en exergue celles qui, collégialement, fonctionnent au mieux selon les cas particuliers rencontrés.
Ses grands-parents sont d’une part la thérapie brève stratégique (issue du modèle de Palo Alto), et d’autre part l’hypnose éricksonienne conversationnelle. L’état hypnotique permet en effet de potentialiser les outils créatifs et stratégiques utilisés pour rendre le patient acteur de son propre changement, de sa propre évolution, avec l’accompagnement du thérapeute.
Sortir du figement du traumatisme
En pratique, le corps et les sensations qu’il véhicule constituent l’état du sol sur base duquel nous allons construire nos interventions. Nous allons sonder, demander, observer, inviter le patient à regarder et à vivre l’état de ce sol, à nous partager ce qu’il sait et sent des ressources enfouies sous la terre, qui ne demandent qu’à être réactivées pour le bénéfice de l’individu vivant qui est devant nous, parfois même sans le savoir (qu’il est vivant… lors de traumas complexes par exemple). Ces ressources seront mises à jour, explorées, entrainées en état d’hypnose afin de constituer un terreau fertile pour la suite du chemin thérapeutique. Tout au long de la thérapie, en fonction des sensations et émotions ressenties par le patient, ce dernier et son thérapeute vont construire et créer ensemble d’autres images, d’autres odeurs, d’autres sensations… d’autres scénarios… permettant enfin de passer à l’action aujourd’hui pour contrer le figement d’hier. Ensuite seulement, les aspects cognitifs et comportementaux seront envisagés, de telle sorte qu’ils soient alignés avec les émotions ressenties, avec les nouveaux signaux corporels indiquant au patient ses besoins concernant son présent et son futur. La seule compréhension sur laquelle nous nous attarderons est permise par ce nouveau vécu, par une histoire personnelle regardée avec bienveillance et le recul enfin possible sur celle-ci. Le changement nous intéresse effectivement avant la compréhension : changer les actions et réactions du patient, tournées vers l’intérieur de lui-même ou l’extérieur (dans ses comportements avec les autres) et qui sont souvent vécues comme « plus fortes que lui ».
Dans nos séances thérapeutiques avec les patients, nous vivons avec fluidité dans et hors du mo(n)de hypnotique qui se perçoit comme parallèle au mo(n)de habituel, avec une frontière de plus en plus perméable entre les deux. En effet, quelle joie de voir nos patients recontacter leur enfant intérieur, après avoir pansé ses blessures souvent, et retrouver leurs ressources imaginaires et créatives souvent oubliées ! En tant que thérapeute, notre intuition thérapeutique développée autant que possible, quel confort d’accompagner le patient sur son propre chemin, sans croire que nous savons mieux que lui ce qui lui convient ! Quel plaisir de rendre ces humains - qui sont venus nous rencontrer et avec qui nous avons passé un bout de chemin – autonomes, et ce, le plus rapidement possible… A nous d’être attentifs à l’efficacité de notre travail et au respect du rythme propre de notre patient, pour valser ensemble et le laisser conduire davantage à chaque séance, pour ensuite l’inviter à danser avec la vie elle-même, en toute liberté.
Développer votre propre style d'hypnose conversationnelle stratégique
Dans les formations que nous proposons, nos objectifs sont multiples. Les principaux, au-delà des aspects techniques et des apprentissages pratiques, seront toujours d’aider les thérapeutes à trouver leur propre style avec l’hypnose conversationnelle stratégique, à développer les postures qui leur permettent d’être pleinement présents à l’autre et à la relation, et à potentialiser leur créativité propre. En effet, il nous semble important qu’au terme de la formation, les thérapeutes se sentent prêts à proposer des séances individualisées, différentes, adaptées à chaque personne particulière qu’ils vont rencontrer.
En quelques mots, cette thérapie, quel que soit son nom, permet de travailler en toute fluidité, souplesse et confortablement avec des patients qui côtoient pourtant l’horreur dans leur monde intérieur depuis parfois bien longtemps… Une expérience optimiste et lumineuse dans une société qui fait naitre si facilement les expériences traumatiques chez nos semblables.